Documentation d’inventaire d’un Pianoforte (attribué à F. J. Späth, vers 1770)

 Ce pianoforte de style caractéristique d’Allemagne du Sud datant des années 1770 peut être considéré comme un représentant des pianoforte en usage au temps de la jeunesse de Wolfgang Amadeus Mozart. Il était conservé dans une ancienne auberge à Tannheim (district de Reutte au Tyrol). En 2011, l’Institut de Greifenberg a été chargé d’examiner et de documenter gracieusement cet instrument d’une grande valeur culturelle et historique, déjà plusieurs fois restauré auparavant.  

 Les caractéristiques structurelles identifiées au cours des premières recherches ont montré une grande similitude avec un instrument similaire signé avec une portée et des dimensions plus petites qui se trouve au National Music Museum de Vermillion (SD, USA ; NMM 13010) depuis 2009. 

Ce dernier a été construit par le facteur d’instruments de Ratisbonne Franz Jacob Späth (également orthographié Spath) en 1767 et modifié à nouveau peu de temps après. Au cours de la documentation réalisée et financée par l’Institut Greifenberg, d’autres analogies dans la construction ont pu être déterminées et permettre ainsi l’attribution définitive de l’instrument de Tannheim à Franz Jacob Späth. 

À propos de Späth, Mozart écrivit à son père en 1777 : « Avant de connaître les instruments de Stein, ceux de Späth étaient mes préférés. » Il y a quelques années l’importance des pianoforte de Franz Jacob Späth était pratiquement inconnue. Avec la découverte de l’instrument à Vermillion, puis ce deuxième pianoforte, la valeur de ces premiers pianoforte pour l’histoire de la musique est devenue évidente. 

Son mécanisme de marteau correspond à un système sans détente commun en Allemagne du Sud, qui remonte essentiellement à celui conçu par Gottlieb Schröter vers 1720. Une particularité des deux instruments et peut-être une caractéristique de la conception Späths est la conception croisée du barrage de la table, qui distribue la tension des cordes et les vibrations de la table d’harmonie au sous-plancher et à la construction globale. Johann Andreas Stein, qui a travaillé pour Späth pendant un an et demi, applique également ce principe de construction à certains de ses instruments (Berlin, Leipzig 171, Munich BNM).  

L’importance de Franz Jacob Späth dans la facture instrumentale.  

 Späth se révèle être un facteur de pianos extrêmement innovant qui, au début de la seconde moitié du XVIIIe siècle, travaillait de manière originale a de nouvelles mécaniques — sans oublier de faire sa réclame.

Il présente en effet dès 1751 un instrument avec plus d’une trentaine de modifications, en 1770 son « Clavecin d’amour », probablement la première version d’un piano à queue a tangentes (voir la publication en fac-similé ci-dessous: sans marteaux ni plectre) et des combinaisons de clavecin et de piano à tangentes, comme en 1779 un instrument combiné à deux manuels en clavecin et pianoforte. Les années suivantes, les exportations vers Vienne et Paris sont documentées. Dans les annonces d’une gazette de 1783, est proposé par exemple un instrument très similaire au pianoforte de Tannheim. Bien que seuls quelques-uns de ses instruments aient survécu, il semblerait que Späth, avec Christian Ernst Friederici à Gera, ait été l’un des premiers fabricants de pianoforte à grande échelle pendant la phase de transition progressive du clavecin au pianoforte. Sa gamme d’instruments contenait évidemment une variété de constructions avec divers mécanismes, dans différentes formes et combinaisons. À cet égard, le respect que lui témoigne Mozart peut aussi refléter une certaine admiration pour cette créativité. 

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 (extrait de : Musical news and comments, 18e pièce, Leipzig 1770, p. 142.) : 

Späth Inserat 1770

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Regensburg.

 De là, il nous a semblé utile de publier l’annonce suivante. Nous souhaitons et le lecteur le souhaitera également sans doute, que l’auteur ait pu s’exprimer de manière un peu plus claire. 

Puisqu’il mérite certainement de se faire connaître à un public honoré le Tangenté nouvellement inventé sans marteaux ni plectre sera au final susnommé Clavecin d’Amour.  Il en est ainsi, et par cela nous assurons non seulement que cet instrument, qui est déjà très populaire en lui-même, a été considérablement amélioré en termes d’excellence mécanique, aussi un joueur habile en raison de différents touchers possibles, partie délicate et tendre, partie pénétrante et vive, pourra s’assurer le plaisir et l’admiration des plus complètes grâces aux tons argentés ou profonds , où ce bel instrument, composé d’un manuel avec 8 à 10 registres. Celui-ci est aussi et même plus agréable au jeu que tous les clavecins et pantaléons, et de même nécessite que très peu d’accordage, ainsi le le musicien tient avec beaucoup de brillant le charme en son pouvoir. Le prix est de 30 à 40 ducats.

Cependant, pour amener le plaisir musical à un degré de perfection encore plus élevé au moyen de plusieurs registres, Endes, propose également le même Clavecin d’Amour avec deux manuels (ou pianos) placés l’un au-dessus de l’autre, où le pianoforte principal se trouve dans celui du bas, mais celui du haut, le soi-disant Clavecin d’Amour, ainsi qu’un Flauto traversiere entièrement naturel, sont magnifiquement adjoints. Les connaisseurs et ceux qui cherchent leur plaisir à se divertir sur de tels instruments trouveront leur parfaite satisfaction avec cette invention d’autant plus qu’ils ont devant eux 50 des plus belles améliorations qui ont déjà attiré plusieurs fois l’attention. Cette plus grande perfection de ses instruments, ont séduits partout, et l’on rendu populaire auprès d’un public honoré. Il est toujours possible de l’acquérir rapidement. 

Franz Jacob Spath.

Citoyen,  facteur d' Orgues 

a Regensburg.

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À propos de cette annonce :

Cette publicité pour le « Clavecin d’amour » avec « Tangentes corrigées sans marteaux ni plectre », peut-être la première information sur l’existence du piano à tangente, est donc d’un grand intérêt. La partie du nom « … d’amour/d’amore », déjà connu du public musical à travers la viole d’amour, le Hautbois d’amour, le Flauto d’amour, le Clarinetto d’amour, etc. Ceci évoque un timbre délicat, des qualités tonales et émotionnelles qui devraient attirer une attention particulière sur l’instrument nouvellement inventé et cependant très rapidement tombé dans l’oubli. Le « Cembal d’amour » de Gottfried Silbermann, un clavicorde, assez différent de l’instrument de Spath avec des longueurs de cordes doubles, qui étaient divisées exactement au milieu par les tangentes (voir l’image ci-dessous), subira le même sort. 

Remarquable également la référence aux instruments combinés à deux manuels composés de clavecins et de pianos à tangentes, éventuellement avec un registre de flûte supplémentaire, que Späth propose. Même à cette époque, de tels instruments combinés, bien que certainement rares et coûteux, semblent avoir joué un rôle non négligeable dans la diffusion de nouvelles idées musicales.  

Cembal d'amour1

(aus: Kenneth Sparr: David Kellner - A biographical survey, S. 36)

tabulatura.com/davidkellner.pdf

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La documentation du pianoforte de Tannheim a servi de base aux plans de reconstruction d'après l'inventaire, qu’a effectuées le « Spath Working Group » constitué de Magdalena Balk, Marlis Dörhöfer et Helmut Balk.

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Innen
Aufsicht
Hämmer
 
 
 

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